Le 22 décembre 2012, on fête dans le bidonville de la Nationale 7, à Ris-Orangis, l'inauguration de l'Ambassade du PEROU, Pôle d'exploration des ressources urbaines. Ce collectif parisien de jeunes architectes, militants, artistes, étudiants, emmené par le politologue Sébastien Thiéry, a construit les dernières semaines avec les habitants du bidonville et les militants locaux de l'ASEFRR (l’Association de solidarité en Essonne avec les familles Roms et roumaines), un lieu d'échanges et de rencontres entre l'intérieur et l'extérieur. Des toilettes sèches suivront bientôt.
Le 3 avril 2013, il y a du monde aussi au bidonville de la Nationale 7. Cette fois-ci, on expulse. Les militants, les sympathisants sont là, avec les habitants des cabanes, pour être les témoins de leur destruction et celle de l'Ambassade.
Entre ces deux dates, beaucoup de choses se sont construites à Ris-Orangis, il y a eu des échanges foisonnants, des rencontres, des débats, des inventions. Il s'agissait de transformer l'espace du bidonville en un lieu moins insalubre, moins désespérant pour ceux qui y vivent. De montrer un nouveau visage aux médias. Il s’agissait de changer l'image du bidonville dans les têtes, notamment celles des responsables publics, invités à prendre part à l'action, tout du moins à constater ouvertement que quelque chose était fait. Il s'agissait d'inventer de nouvelles formes de militance, de chercher de nouveaux possibles avec des associations de soutien aux Roms sidérées depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande.
Aujourd'hui, l'histoire n'est pas finie. Elle continue, avec le PEROU, les riverains et les familles roms, dans le nouveau bidonville de Grigny, dans le projet de village d'insertion mis en place à Ris-Orangis par le Conseil Général de l'Essonne, dans d'autres moments de construction, d'autres moments d'échanges.
Cette histoire est aussi déjà beaucoup racontée. Grâce à de multiples formes de récits, on sait qu'elle existe, on sait que tout cela est possible. Mais peut-on en tirer d'autres enseignements ? C'est en partant de cette question posée par le PEROU, que nous nous sommes engagés dans la constitution d'une histoire critique du projet, et que nous avons dû nous confronter à un "sujet", celui des Roms, si bloqué, si construit, si commenté au niveau national.
Nous, étudiants du Programme d'expérimentation en arts et politique de Sciences-Po, sommes donc partis à la rencontre de différents acteurs liés d'une manière ou d'une autre à l'aventure. Militants locaux, communistes, chrétiens, anarchistes ; militants architectes et artistes du PEROU ; familles roms et roumaines, préfet, maire… Entre avril et mai 2013, chacun nous a raconté sa propre histoire, selon sa manière de voir, avec sa propre rhétorique. Faute d’avoir pu engager une médiation, d’avoir pu mettre tout le monde autour d’une table, nous avons décidé de construire une agora virtuelle : forme de reportage radiophonique où tous les acteurs que nous avons rencontrés séparément sont réunis. histoirecritiquedelambassade.org est donc un outil diplomatique, permettant d’entendre les arguments de chacun, et pouvant être le point de départ d’autres constructions.
Voici donc les coulisses du projet, les coulisses de l'histoire, interrogeant ce que l'Ambassade du PEROU a permis ou n'a pas permis, ce qu'elle a inventé ou pas, ce qu'elle a rendu possible ou pas. Des langages et des regards multiples ont forgé ce récit, où l'on apprend que personne n'est vraiment d'accord, mais que l'on parle bien de la même chose : de ce qui fait politique.